Le pessimisme

Le pessimisme est une grave affection de l’âme, entraînant beaucoup de frustrations et d’échecs et un fléau pénible dont les traces sur la personnalité sont indélébiles. Les peines et les différentes épreuves de la vie sont un foyer propice à l’apparition du pessimisme, déclenchant aussi des troubles affectifs. Le pessimisme qui s’incruste par cette voie dans les esprits y sème des ravages. Ce défaut s’insinue dans toutes les couches de la société et se retrouve même chez les hommes de science et les penseurs. De grands savants ont tout au long de l’histoire été victimes de ce défaut qui leur a fait commettre des erreurs irréparables. Et plutôt que de servir la société, ils ont oeuvré à la rendre plus confuse, lui infusant leur poison dans les artères. Certains ont été effrayés par la perspective de l’explosion démographique, de la pauvreté et de la misère, au point de déclarer licite tout ce qui pourrait réduire la présence humaine comme les guerres, l’assassinat. Si tous les hommes se laissaient persuader par de telles idées, il n’y aurait plus sur terre de vestige de civilisation. Un philosophe pessimiste - type fut Aboul Alâ al Maari. Il ne voyait rien d\'autre dans la vie que douleur et châtiment, et recommandait aux hommes de ne pas se marier et de ne pas se reproduire, afin de cesser le cycle des châtiments des générations. Dans son testament, il demandait que l’on gravât les vers suivants, sur sa tombe:

«Tel est le crime que commit mon père envers moi,je meurs pour ma, part sans avoir nui à personne!»

Le noble Coran a déclaré explicitement que la mauvaise opinion fait partie des péchés et a mis en garde les musulmans contre ce défaut dans ce verset:

«Ho, les Croyants! Evitez de trop conjecturer, oui, une partie de la conjecture est péché.» L’Islam interdit aux gens de soupçonner sans raison valable leurs prochains:

«Sont illicites au musulman, le sang de son frère musulman, ses biens, et la mauvaise opinion à son égard.»

 Tout comme il défend le transfert d’un bien d’une personne à une autre sans preuve suffisante, il ne tolère pas que l’on pense en mal des gens, qu’on les accuse de tous les défauts avant même qu’on ait établi les preuves irréfutables.

Lors de l’Hégire, le Prophète de l’Islam arriva à Médine, venant de la Mecque. Un homme vint à lui et lui dit:

 «Ô Prophète de Dieu! Les gens de ce pays sont bons et bienfaiteurs. Tu as bien fait d’émigrer vers eux.» Le Prophète lui répondit: «Tu as raison!».

Puis un autre homme se présenta à lui, et lui dit:

«Les gens de cette cité sont méchants, tu aurais mieux fait de ne pas venir vers eux!»

Le Prophète lui fit la même réponse qu’au premier. Quelqu’un interrogea alors le Prophète, au sujet de l’identité des réponses données à des paroles contradictoires. Le Prophète lui répondit:

«Je sais ce que recèle le fond de chacun des deux. Ils étaient tous deux sincères.»

C’est à dire que chacun était sincère par rapport à ce qu’il pensait dans son tréfonds. Il est évident que la susceptibilité et la mauvaise opinion qui sont ici objet de blâme, sont celles qui traduisent une déviation de l’esprit par habitude et persistance en elles. Ce qui est considéré comme un péché et une infraction à la Loi divine, ce sont les préjudices causés par ces défauts à autrui. Les conjectures et les suggestions qui ne sont pas suivies d’effets ne donnent pas lieu à la responsabilité juridique, car elles ne dépendent pas de la volonté.

L’Emir des Croyants(as) a dit:

«Il n’est pas juste de détruire la confiance par la suspicion.»

 Puis il met éloquemment en évidence les dommages que peut causer cette mauvaise habitude envers autrui, en disant:

«Garde- toi de la conjecture, car elle altère le culte, et alourdit la charge du péché.»

 Il conclut en ces termes:

«La mauvaise opinion envers l’homme de bien est la pire des choses et la plus laide des formes de l’injustice.»

«Celui chez qui domine la tendance à la conjecture et au soupçon détruira tous ses liens avec ses amis.»

 Outre l’effet néfaste qu’elle exerce sur celui qui en est habitué, la suspicion a aussi ses conséquences dévastatrices sur les dispositions morales et psychologiques des autres. La victime d’une calomnie peut en effet être entraînée à la déviation, à la corruption morale et au vice. L’Imam Ali (as) a déclaré à ce sujet:

«La mauvaise opinion bouleverse les situations, et incite aux méfaits.»

Le docteur Marden donne l’exemple de certains patrons qui soupçonnent leurs domestiques d’être - par exemple- des voleurs, au point qu’ils finissent par le devenir. La susceptibilité, même non exprimée par la parole, exerce ses ravages et empoisonne l’esprit de la personne qui en est l’objet, et le conduit au délit.  Rappelons de même la recommandation de l’Emir des Croyants, Ali (as) aux époux:

«Garde-toi de faire de la jalousie mal placée, car elle altère le sain, et rend suspect l\'innocent.»

 L’homme atteint de la susceptibilité, se prive aussi de la santé du corps et de l’esprit. L’Imam a dit également:

«Le soupçonneux ne connaît jamais le repos.»

Citons encore une parole de l’Imam Ali (as)qui met en relief le caractère anti- social de la suspicion:

«Quiconque se montre trop susceptible, finit par redouter tout le monde.»

Le mauvais souvenir que l’on garde d’un évènement ou d’une personne est aussi souvent cause de soupçons.

«Dans le tréfonds de toute personne, il existe des souvenirs qui lui répugnent.» a dit l’Imam Ali(as).

Les gens de caractère vil s’imaginent que tous les hommes leurs sont semblables et voient se refléter chez les autres leurs propres vices. L’Emir des Croyants (as) a dit que l’homme méchant ne pense du bien de personne, car il voit tout le monde à son image.

 

Ajoutons qu’étant donné que l’amertume des pessimistes procède de ce défaut pernicieux, il convient d’approfondir l’examen de cette cause et de la traiter à sa racine.