Même la rue d\'al-Moutanabi;cette vieille rue de la rive gauche de Bagdad qui occupe une place privilégiée dans l\'esprit des Bagdadis dont surtout les intellectuels et hommes de lettres, n\'a pu échapper aux aveugles actes terroristes .
Tracée sous les Abbassides, sous le nom (Darb Zakha), cette rue regorgeait des institutions culturelles et écoles coraniques. C\'est en 1932 que le roi Faysal le premier la baptisa al-Moutanabi; en hommage au plus grand poète abbasside sinon arabe. Fréquenter cette rue relevait et relève toujours des rites, des intellectuels qu\'ils soient irakiens, arabes ou étrangers. Parmi les noms les plus illustres de ses amoureux, nous notons surtout les deux orientalistes français, Louis Massignon (1883-1962) et Jacques Berque (1901-1995), le grand écrivain égyptien Zaki Moubarek (1891-1952), le poète soudanais Mouhamed al-Fittori, ainsi qu\'une pléiade de poètes irakiens allant d\'al-Zahaoui, al-Rissafi, al-Jawahiri jusqu\'à al- Sayyab et al- Bayati et tant d\'autres . On peut trouver dans cette rue les plus vieux cafés à Bagdad dont le grand et principal café al-Shahbandar, construit en 1917 .Les poètes ,les écrivains, les journalistes s\'y rencontrent chaque jour . Il représente d\'ailleurs l\'unique place qui contient les plus rares et les plus précieuses photos de Bagdad de 1800 à 1958 . Al-Moutanabi comprend la librairie d\'Adam, la librairie Juridique, les librairies al-Turaihi, Dar al-Marif, à la fin l\'imprimerie la plus célèbre, Ibn Arabi . Lors des années de l\'embargo imposé à l\'Irak (de 1991 à 2003), la rue s\'est transformée en une bourse culturelle où chaque vendredi, des centaines de livres sont bradés sur ses deux trottoirs . A l\'époque, pour subsister, les hommes de lettres et les intellectuels, faute des moyens financiers, s\'étaient vus bon gré mal gré, obligés de vendre leurs bibliothèques personnelles . Ainsi, cette rue était - elle devenue un point de rencontre pour les intellectuels d\'une part et les bouquinistes et les librairies d\'autre part . Certains se donnaient rendez-vous chaque vendredi matin pour se réunir autour d\'une tasse de thé dans l\'un des cafés de la rue, et discuter non seulement des dernières publications dans le monde, mais aussi du tout et du rien. Le 15 mars 2007, nous étions au bureau lorsqu\'une grande explosion s\'était retenie . En nous précipitant aux fenêtres pour localiser le lieu de l\'explosion, nous avons aperçu de l\'autre côté du Tigre une poussée de fumée grisâtre, devancée par une flopée de feuilles de papiers éparpillés en l\'air, on dirait des pigeons blancs effrayés par un quelconque matou sans merci . Il s\'agissait des stocks de papiers des imprimeries privées situées dans cette rue .
Ce jour-là, la rue al-Mutanabi fut la cible des obscurantistes barbares du 21éme siècle, lorsque quatre voitures piégés «réussissent» à mettre la moitié de la rue à feu et sang .
Le bilan des dégâts enregistrés, est à déplorer à jamais . De vieux manuscrits inestimables, des références originales, de rares photos du vieux Bagdad et de milliers de livres de valeur . Et ce sans parler des martyrs parmi les clients endurcis et les bouquinistes de renommée .
Bien que des promesses de reconstruire cette rue victime de la violence soient formulées et des plans pour ce faire, soient mis ses amoureux sont toujours sous le choc avec une blessure dans l\'âme très difficile à se cicatriser .
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